Chauvel, Louis, 1998 [2e éd. 2002]

Le destin des générations : structure sociale et cohortes en France au XXe siècle

Paris : Presses universitaires de France. HN440.I58 C53 1998

Voici ce que dit la 4e de couverture :

" Les hasards de l'année de naissance marquent le destin des générations. Deux guerres entrecoupées d'une crise économique majeure, une reprise de trente ans, un ralentissement depuis deux décennies, tel est le legs inégalement partagé - de l'histoire sociale. Les générations nées avant 1920 subirent un sort difficile. Les suivantes, nées jusqu'en 1950, qui connurent les Trente glorieuses au temps de leur jeunesse, ont rencontré un destin collectif inespéré : multiplication des diplômes sans dévalorisation, forte mobilité sociale ascendante, salaires et revenus rapidement croissants, meilleure protection sociale, etc. Avec la crise, cette dynamique cesse pour les successeurs, arrivés trop tard dans la vie adulte.

Première analyse systématique de la structure sociale à la lumière des clivages générationnels, ce livre souligne l'existence d'une fracture qui promet de s'amplifier au début du XXIe siècle. Cette question est politique, car elle est au croisement de la transformation des classes sociales et de l'avenir de l'État-providence. Pour dépasser ces périls, il faudrait construire une véritable politique des générations engageant la responsabilité de tous. "

Le livre se trouve dans toutes les très bonnes librairies et sur le web.

 

Pour un résumé complet :

 

L’objet de cet ouvrage est de dépasser les lectures traditionnelles des bouleversements de la structure sociale fondées sur des tendances sociales moyennes, en montrant que les changements sociaux massifs repérés au xxe siècle concernent moins la société dans son ensemble que certaines cohortes en particulier. Au centre de la problématique se trouvent l’évaluation de la " loi du progrès générationnel " selon lequel les générations puînés disposeraient mécaniquement de plus de ressources que les aînées, et la mise en cause de celle-ci : l’histoire est faite des fluctuations générationnelles des progrès économiques et sociaux, mais aussi des conséquences de ces changements, telles que la consommation, la santé, l’accès aux médias, la participation et la représentation politique.

L’analyse montre qu’il existe en effet des " générations sacrifiées ", par exemple celle de 1894 qui a connu les deux guerres mondiales. De même, aujourd’hui, le ralentissement économique n’est pas réparti uniformément sur toute la population : les générations nées après 1950 observent une dégradation de leur situation par rapport à leurs aînés, en termes de revenu, de rendement du diplôme, en termes de perspective de mobilité ascendante. Toutes ces dimensions sont interrogées au travers d’un matériau empirique varié qui regroupe les enquêtes FQP (Formation-qualification professionnelle) de 1914-1970-1977 et Emploi (1982-2000) de l’INSEE, ainsi que de nombreuses sources statistiques, démographiques, économiques, politiques et sociales, consultées systématiquement, en remontant, chaque fois qu’il a été possible, aux archives de micro-données disponibles.

Cet ouvrage se propose de répondre à l’ensemble de ces questions en trois étapes. La première partie vise à mettre en évidence un certain nombre de faits concernant la structure sociale et ses mutations. Il s’agit de mesurer l’impact des fluctuations du rythme de la croissance (passage des " Trente glorieuses " 1945-1975 à la " Croissance ralentie " 1975-aujourd’hui) sur les différentes générations. Ainsi, l’expansion numérique des cadres et des professions intermédiaires relève d’une croissance brutale de l’accès à ces catégories pour les générations nées dans les années 1940 (générations entrées dans le monde du travail à la fin des Trente glorieuses) par rapport aux précédentes. D’une manière plus générale, la structure sociale se déforme moins avec le temps qu’au rythme du remplacement des générations qui se succèdent dans la structure sociale. Ainsi, la cohorte pourrait être comprise non pas comme un groupe social organisé, mais comme un temps social concret : le grain du sablier social.

La deuxième partie s’intéresse aux explications possibles de ce processus. Elle étudie les variations respectives du système éducatif et de la conjoncture économique, en particulier de l’offre d’emploi adressée aux jeunes, deux tendances dont la rencontre produit des effets favorables ou défavorables pour les nouvelles générations qui connaissent la transition de l’école vers la recherche d’un emploi stable. L’essentiel des perspectives de vie d’une cohorte est déterminée entre l’âge de 25 et de 30 ans. Les conditions de son entrée dans le monde adulte influencent la manière dont elle participera, dans les années suivantes, au monde de la production.

La troisième partie se penche sur les conséquences du fonctionnement générationnel du changement social. L’évolution des chances d’accès aux différentes catégories professionnelles par cohorte s’accompagne en effet de modifications dans la répartition des revenus, le revenu relatif au long des 50 dernières années des juniors et des seniors n’ayant rien de fixé. Les évolutions des modes de vie connaissent eux aussi de grandes mutations, par exemple en termes de loisir, de transport, de logement, notamment. La mortalité par génération, notamment en ce qui concerne le suicide, a connu pareillement des évolutions surprenantes, avec un doublement entre 1970 et 1995 du taux de suicide autour de vingt ans, et une réduction d’un tiers autour de soixante ans. Enfin, les trajectoires de mobilité sociale ont fait l’objet d’une analyse systématique, pour mettre en évidence le fléchissement des perspectives d’ascension sociale des nouvelles générations nées vers 1975, qui sont en moyenne les enfants de la génération du baby-boom née en 1945.

La conclusion revient sur la logique d’ensemble qui résulte de la synthèse des faits, processus et résultats variés mis en évidence. Le résultat empirique central est que les variations du rythme de la croissance (" Trente glorieuses " 1945-1975 versus " Croissance ralentie " 1975-aujourd’hui) a donné lieu à une répartition spécifique des ressources entre les différentes générations. Il s’agit alors de rendre compte du partage spécifique auquel nous avons assisté, et de se demander pourquoi et comment d’autres formes de partage ne sont pas advenues. Surtout, en termes prospectifs, ces évolutions posent problème, notamment pour ce qui concerne la politique et le financement des retraites, de la santé, mais aussi du logement, de l’éducation, par exemple. Si elles ne font pas allée au débat collectif mettant en jeu l’ensemble des cohortes, les solutions les plus simples risquent d’engendrer encore des distorsions fortes entre générations.

 

 

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